Le village sous l'occupation allemande: "Kriegs gross Malheur !"
Après l'Armistice du 22 Juin 1940, la Franche-Comté se trouve en "zone interdite" et les nazis ont pour objectif de l'annexer.
Pour les habitants du village, une autre vie commence brutalement sur fond d'interdictions, d'obligations, de réquisitions, privations et restrictions édictées par l'Allemagne, mais aussi de clandestinités et débrouillardises généralement nocturnes.
Chaque famille en cultive encore le souvenir comme autant de menues victoires remportées à la barbe de l'occupant allemand pourtant vigilant et organisé et surtout présent partout.
Cette période d'occupation c'est celle de Vichy, de la perte des libertés, de l'oppression, des répressions, du STO, c'est celle du chacun pour soi et des jalousies mais aussi, et dans le même temps celle de la solidarité la plus pure.
Un des souvenirs de l'occupant qui s'est transmis c'est aussi celui du soldat allemand de la Wehrmacht, père de famille, ouvrier ou paysan qui a été arraché à son quotidien et contraint de servir les intérêts de l'idéologie du nazisme ; comme par exemple ce soldat poli et courtois qui demande régulièrement des nouvelles du père, du mari ou du fils, prisonnier ou sous les drapeaux et qui, comme pour conclure cette familiarité, lâche " Ahrrrr, ...Madamé, Kriegs gross Malheur !!!!!!". Mais, sa volonté de vaincre et d'obéir aux ordres n'en n'est pas moins restée intacte.
C'est la perspective toute proche de la déroute allemande avec l'intensification des actions de la Résistance et l'avancée des Forces Alliées qui provoqua la crispation des relations sans pour autant que cela puisse justifier les éxécutions sommaires d'innocents pour le seul exemple.
Pour les uns, la grande déroute en toute hâte approche avec son lot de déceptions, et pour les autres c'est la Libération avec, enfin, la perspective d'un retour au bonheur de la vie "normale".
Les photos ci-dessous (non datées) ont été prises par les soldats allemands lorsqu'ils occupaient Saint-Marcel.
- les quatres premières sont prises dans les terrains et vergers en contrebas du chemin dit "Chemin du Ratey" près du cimetière.
- les deux suivantes devant la maison qui fait face aux arrières de la fontaine "du haut" dans la rue principale. Cette maison est visible sur la quatorzième photo (carte postale) de la page "notes historiques" du menu de ce site.
- la dernière n'est pas localisée, peut-être au lieu dit "Sous la Côte" qui domine le village au pied de la Bridelle. Ne sont pas identifiés non plus, les cylindres en acier sur lesquels sont assis les trois soldats. Sur la gauche de la photo, et derrière le personnage de gauche, on en distingue un autre en position verticale cette fois. La même question se pose quant à ce que tient en ses mains le soldat de droite. S'agirait-il d'un appareil photographique ?
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La libération :
La libération du département aura duré 83 jours, du 08 Septembre au 29 Novembre 1944. Trois Divisions américaines et deux Corps d'Armée français affrontèrent des éléments de la 19è Armée allemande qui était une unité de l'Armée de terre de la Wehrmacht.
Le 2è Corps français se dirige le long d'une ligne Langres - Jussey - Epinal et les troupes américaines, quant à elles, avancent en direction de Combeaufontaine.
Le 14 Septembre, les français et les américains font jonction à Jussey, libérant le secteur des maquis de Malvillers, Magny et Corre.
Saint-Marcel est libéré le même jour à 15 H 30 par l'Armée française (2è RCA Oran, alors intégré à la 1ère Division blindée).
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Les informations qui suivent sont issues d'un document qui a été conservé par un habitant du village et dont un exemplaire m'a été remis.
Dès les 09 et 10 Septembre, l'Armée allemande déferle du Plateau de Langres et bat en retraite. C'est ainsi qu'une horde d'Hindous tous vêtus de kaki et turban, pillent, volent les bicyclettes et les chevaux dans le village. Craignant les partisans, ils visitent les maisons et réquisitionnent les véhicules utiles à les conduire à Bains Les Bains.
Le Dimanche 10, un engagement éclate entre la Résistance et un convoi allemand entre Saint-Marcel et Vitrey. Un jeune résistant de 20 ans est fait prisonnier et traîné jusqu'à Vitrey où les Allemands le fusillent.
Craignant un nouvel accrochage, les Allemands réquisitionnent trois ou quatre cultivateurs avec leurs attelages en vue de regagner Bains Les Bains et les Vosges.
Ils passent la nuit à Saint-Marcel. L'officier allemand en profite pour frapper à la porte du presbytère. Le curé,d'origine alsacienne, parle couramment l'Allemand. L'officier le questionne pour savoir si des partisans sont présents dans le village et sur la route en direction des Vosges. Le curé lui explique qu'il n'y a là que des patriotes et se saisissant d'une carte en profite pour faire état de l'avancée des troupes alliées. L'officier allemand semble l'ignorer, ou fait semblant de l'ignorer, et repart. Les paysans qui avaient été réquisitionnés rapportèrent qu'ils ne revirent alors plus l'officier qui disposait d'une voiture automobile et conduisirent leurs chariots chargés de tout un tas de matériels divers appartenant aux allemands.
Ils allèrent ainsi jusqu'à environ 10 kilomètres de Jussey et durent stopper, la route ayant été barrée par d'énormes peupliers disposés là par la Résistance de Magny Les Jussey. Le convoi fait alors demi tour et revient sur Jussey pour prendre une autre route, mais les Allemands abandonnent là une partie de leur chargement, brisent même leurs armes et renvoient les paysans de Saint-Marcel qui sont de retour au village le 12.
Ce jour là, ce ne sont pas moins de 900 Allemands qui font halte au village et s'y installent. Ils envahissent tout et recherchent des vélos et des chevaux. Toutes les entrées de Saint-Marcel sont gardées par des sentinelles. Parmi ces 900 occupants il y a beaucoup de Russes et même un parisien. Les Russes se tenant à l'écart des groupes d'Allemands, les habitants du village leur montrent des cartes. Il en est qui s'évadent dès la nuit tombée et il en est trois qui sont même conduits par un homme de 67 ans du village, ancien évadé de la guerre de 1914.
Le 13 Septembre le défilé continue. Il est utile de préciser que les troupes françaises qui ont libéré Dijon, Langres et Fays-Billot, sont arrivées le matin même à la Ferté.
La pourtant réputée invincible Wehrmacht bat en retraite ! Elle s'attache pourtant encore à faire des exemples pour l'exemple.
Dans la soirée un peloton de cyclistes allemands part en reconnaissance en dirction de Vitrey. La voiture d'un officier allemand passe. Un jeune parisien de seulement 16 ans, Daniel Petetin, réfugié avec sa famille se trouve sur la route. La voiture stoppe, l'officier en descend, emmène le jeune homme dans un champ à la sortie du village et sous les yeux du Maire qui se trouvait non loin, le fusille sans autre forme de procès. Le matin même, le jeune homme avait ravitaillé le village en pain à l'aide d'une charette.
Le 13 au soir, le village est pratiquement désert et il ne reste plus que quelques familles. La population affolées'est réfugiée à Noroy, village à l'écart de la route de Vitrey à Jussey et à seulement 2 kilomètres de Saint-Marcel.
Dans la nuit du 13 au 14 Septembre le défilé continue et le 14 au matin, plus rien.
Toutefois, vers midi, un peloton d'Allemands venant de Jussey ( où ils sont plus de 3500 ) opère une reconnaissance. Trente minutes plus tard, ces mêmes soldats repassent en hâte, avec ou sans vélos, mais sans casque.
Cette fois le village attend les Français et le téléphone renseigne.
Vers 14 heures, les cloches des villages environnants retentissent : Vitrey, Montigny et Noroy sont libérés.
Les soldats français n'arriveront qu'un peu plus tard à Saint-Marcel, la route venant de Vitrey étant minée.
A 15 heures, le 14 Septembre 1944, la dernière voiture allemande traverse le village à vive allure, mitrailleuse braquée et à 15h30, les chars français entrent dans le village, salués par la population portant drapeaux et fleurs.
Depuis les hauteurs de Noroy, les chars français prennent le contrôle de la route en direction de Jussey. De là, les Allemands fuient en direction des Vosges sans livrer bataille par la dernière route encore dégagée et les Armées française et américaine établissent leur liaison à Jussey.